jeudi 13 mars 2025

Arrestation de Sœur Yvonne-Aimée de Malestroit par la Gestapo – Février 1943

 Arrestation de Sœur Yvonne-Aimée de Malestroit par la Gestapo – Février 1943


Préambule : Une intuition troublante


Depuis plusieurs jours, Sœur Yvonne-Aimée pressent une épreuve imminente. Elle note dans son carnet, dès le 5 février 1943, une phrase qui traduit son ressenti :


“Ce soir, à la chapelle, j’ai compris que j’entrais dans une nouvelle phase de ma vie, phase douloureuse, incompréhensible.”


Le 7 février 1943, elle confie à l’abbé Paul Labutte et à Sœur Saint-Vincent-Ferrier, directrice du couvent de l’Oasis Notre-Dame de Consolation à Paris :


“Je vais être arrêtée prochainement par la Gestapo.”


L’abbé tente de la convaincre de fuir, mais elle refuse catégoriquement :


“J’ai ordre du Seigneur de rester à Paris pour ses affaires à Lui.”


Elle sent déjà qu’elle est suivie et observe deux hommes la filer dans la rue, ralentissant devant une vitrine pour observer leur reflet dans la glace.


16 février 1943 : L’arrestation


Le matin du 16 février 1943, Sœur Yvonne-Aimée, habillée en civil et portant une mallette, quitte le couvent. Avant de partir, elle confie à Sœur Saint-Vincent-Ferrier :


“Si je ne suis pas de retour pour midi trois quarts, c’est que je subis l’épreuve que vous savez.”


À 10h, elle se rend à la station de métro Michel-Ange Molitor, accompagnée par Sœur Saint-Vincent-Ferrier, qui rentre ensuite au couvent.


À 11h30, un message codé arrive au couvent, écrit par Sœur Yvonne-Aimée elle-même et envoyé de manière inconnue :


“Je suis chez Tante Germaine, c’est l’Oncle François qui a voulu ce séjour. Je reviendrai dès que possible. Prévenez qui de droit. Tendresses.”


(“Tante Germaine” désigne la Gestapo, et “l’Oncle François” les francs-maçons).


Elle a écrit ce message à la hâte au dos d’un pneumatique avant d’être arrêtée. Alors qu’elle quitte le métro, deux mains se posent brutalement sur ses épaules, et elle est immédiatement poussée dans une voiture cellulaire qui l’emmène en détention.


Détention à la prison du Cherche-Midi


Après un trajet interminable, elle arrive à la prison du Cherche-Midi. Elle est placée dans une cellule où elle entend les cris et gémissements des autres prisonnières victimes de tortures.


Un bourreau français collaborant avec la Gestapo la frappe sur le dos et les épaules. Surprise par sa résistance silencieuse, il s’exclame :


“Tu es donc en bois pour ne pas gueuler ?”


Elle est ensuite soumise à un supplice particulièrement cruel :

Debout contre un mur,

La tête et le cou immobilisés par un anneau de fer attaché à une tige rigide,

Sur la pointe des pieds, sans pouvoir bouger, sous peine de strangulation.


Ce supplice dure plusieurs heures, voire plusieurs jours. Elle reste cependant dans un état de prière intérieure, malgré la souffrance.


17 février 1943 : La bilocation dans le métro


Le 17 février 1943, l’abbé Labutte reçoit un télégramme codé de Sœur Saint-Vincent-Ferrier lui annonçant l’arrestation :


“Ives, en clinique avec Tante Germaine depuis midi.”


Inquiet, il décide de quitter Flers pour Paris. Il accompagne sa mère, qui a une course à faire à Pantin, et prend le métro à la station Montparnasse.


À sa grande stupeur, il aperçoit Sœur Yvonne-Aimée en habits civils sur le quai. Il s’exclame :


“Vous !”


Elle lui répond à voix basse :


“Marche ! Marche !”


Dans la rame de métro, il lui demande si elle est libérée. Elle murmure :


“Non… Je ne suis pas libérée… Je suis en prison… Je subis la torture debout devant un mur… J’ai la tête dans une sorte d’étau…”


Il comprend alors qu’elle est en état de bilocation, présente simultanément en prison et à ses côtés dans le métro.


Elle descend à la station Denfert-Rochereau, lui lance un dernier regard de détresse, puis disparaît mystérieusement dans la foule.


À Pantin, quelques minutes plus tard, alors qu’il monte un escalier, il la voit réapparaître devant lui et lui souffle à mi-voix :


“Prie ! Prie ! Si tu ne pries pas assez… on m’embarquera ce soir pour l’Allemagne… Ne le dis à personne !”


Elle disparaît à nouveau.


17 février 1943, 21h10 : Une libération inexpliquée


Dans la soirée, l’abbé Labutte prie intensément à la chapelle de la rue du Bac, suppliant pour sa libération.


À 21h10, alors qu’il est seul dans le bureau de Sœur Yvonne-Aimée au couvent, il entend un bruit sourd. En se retournant, il la voit debout près de son bureau, décoiffée, épuisée, les vêtements en désordre.


Lorsqu’il tente de la saisir par les poignets, elle se débat violemment, croyant être encore entre les mains de ses bourreaux. Il la rassure doucement jusqu’à ce qu’elle le reconnaisse enfin :


“C’est… toi, Paulo…”


Elle lui raconte alors ce qui s’est passé :


“C’est mon bon Ange qui m’a délivrée et ramenée ici. Il m’a saisie dans la cour de la prison, juste au moment où l’on nous mettait en groupe pour partir en Allemagne. Il a profité du brouhaha et du désordre qui se sont produits au moment du rassemblement, et aussi de l’obscurité, du black-out…”


Elle est physiquement marquée par la détention :

Elle a 39°C de fièvre,

Des traces de coups sur le dos,

Les vêtements souillés par la torture.


Fait encore plus inexplicable : le lendemain matin, sa chambre est remplie de fleurs fraîches (tulipes, arums, lilas blancs) alors qu’il n’y en avait pas la veille.


18 mars 1943 : Lettre de convalescence


Le 18 mars 1943, elle écrit une lettre à son assistante de Malestroit :


“Quelques lignes pour vous montrer que je ne suis pas trop malade mais je me sens bien fatiguée. Pas étonnant. J’ai jeûné 48 heures à l’eau…”


Elle ne révèle rien de son épreuve à sa communauté.


Conclusion


L’arrestation de Sœur Yvonne-Aimée de Malestroit par la Gestapo en février 1943 est un événement documenté par plusieurs témoins. Son torture, la bilocation dans le métro, et sa libération inexpliquée marquent un épisode troublant, entre réalité historique et mysticisme.


Son engagement dans la Résistance et son courage face aux persécutions lui vaudront plusieurs distinctions officielles après la guerre :

26 août 1945 : Croix de Guerre avec palme, remise à Saint-Marcel.

16 juin 1946 : Légion d’honneur, remise personnellement par le général de Gaulle à Vannes.

21 octobre 1946 : Médaille de la Résistance et Médaille de la Reconnaissance française.

King’s Medal for Courage in the Cause of Freedom (Royaume-Uni).

Medal of Freedom (États-Unis).


Ainsi, bien que les circonstances précises de sa libération restent mystérieuses, son rôle actif pendant la guerre et son héroïsme ont été officiellement reconnus, faisant d’elle l’une des femmes françaises les plus décorées de la Seconde Guerre mondiale.


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